Le roman démarre à toute vitesse, avec Vern, très jeune, en fuite. Elle a quitté la communauté où elle a grandi, elle est enceinte, poursuivie, et elle accouche dans la forêt de deux bébés jumeaux. Que fuit-elle ? Qu’est-ce que le domaine de Caïn où elle a été élevée ? Pourquoi a-t-elle des hallucinations ? Qu’arrive-t-il à son corps ?
Sorrowland est un livre difficile à lâcher, on a envie de savoir ce qui se passe, on le lit vite et c’est déjà le signe d’un bon roman. Mais c’est aussi par les thématiques qu’il déploie que ce livre est marquant. Rivers Solomon, autrice afro-futuriste non-binaire, y poursuit le travail de reconstruction de la mémoire afro-américaine, déjà présent par exemple dans Les abysses, en s’appuyant sur la science fiction et le réalisme magique. Elle s’empare de la question de la mémoire invisibilisée, de la transmission et de l’héritage, de la colère, des traumatismes qui en résultent, et dans Sorrowland, elle élargit ce point de vue à la question des peuples autochtones amérindiens. Elle invente des possibles, et travaille, comme dans ses précédents livres, la question du genre, du corps, avec une inventivité étonnante. Le rapport à la terre et aux vivants non-humains, la question de la chair, de la mort, sont également très présentes dans ce texte qui propose des pistes pour décoloniser les imaginaires, dépasser la binarité de genre et penser différemment notre présence au monde.
Aux forges de Vulcain – mai 2022
conseil lecture d’Elise