L’homme qui marchait sur la lune de Howard McCord

« L’homme qui marchait sur la lune » est un bref casse-tête brutal qu’on aura à peine le temps de résoudre.

Ouvrage précis et plein de mystère, il m’est évidemment difficile d’écrire à son propos sans risquer à tout moment de dévoiler maladroitement l’intrigue. Qu’on me pardonne si j’aborde cette chronique en tournant légèrement autour de ma cible.

J’aime les romans courts. Mieux que ça : j’aime les livres courts. Me décider pour en acheter un, le tenir en main, éprouver la distance du début à la fin entre les doigts d’une même main. Celui-ci, publié chez Gallmeister, spécialistes en littérature américaine, est un chef-d’œuvre. Un peu plus d’une centaine de pages. Une sensation de légèreté, paradoxale, mêlée à la densité des mots et à la violence des hommes. Entre la couverture et la quatrième, tout est contenu. Objet indépendant. Parfois les recueils de nouvelles, surtout lorsqu’elles sont longues, me frustrent par la juxtaposition des merveilles, ou à l’inverse, me déçoivent par l’inégalité du contenu. C’est bizarre. Mais un roman court, c’est une totalité, c’est une fiole d’un élixir sur une étagère. A la fois remontant, poison, médicament, stupéfiant.

Le titre nous fait nous poser les premières questions. « L’homme qui marchait sur la lune ». Sur la Lune ? Vraiment ? Laquelle ? Et cet homme ? Nous le suivons. Pas le choix. Il part à l’ascension d’une montagne, dans le Nevada. Peu de végétation, reliefs escarpés, isolement. Les interrogations que nous formulons petit à petit ne se tariront pas. Il sera le narrateur. Il nous embarque, nous capture, nous kidnappe. En cet endroit, appelé « la Lune » en raison de sa désolation, cet inconnu sera notre seul guide. Notre seul moyen de connaître ce paysage, et ce qui l’habite. Il nous emmènera où il veut aller. Et nous n’aurons pas vraiment le temps de souffler avant la fin.

Tout paraît vaste sur la montagne Lune. Et pourtant, la mesure est donnée par le pas du marcheur. Et les dimensions sont rendues étroites. La respiration adaptée aux accélérations et à l’altitude. Les angles de tir soigneusement calculés.

Ce livre, c’est le temps d’un film. Un jeu de cadrage. Les digressions, décrochages, confidences, qui habitent l’écriture de McCord sont d’une importance capitale. Paragraphes précieux, chutes en profondeur, indices.

Un conseil : lisez-le d’une traite. La nuit. Faites une pause, en plein milieu, histoire de préparer un thé, comme le randonneur le fait sur son petit réchaud. Retournez à la lecture, et finissez ce qui doit être fini.

Denys

L’homme qui marchait sur la lune, Howard McCord, 2011, 144 pages, Éditions Gallmeister

Illustration : Détail de Among the Sierra Nevada Mountains, Albert Bierstadt, 1868, Smithsonian American Institute

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