Christophe Colomb et autres cannibales de Jack D. Forbes

« Le cannibalisme tel que je le définis est la consommation de la vie d’autrui à des fins privées ou de profit ». Ce cannibalisme, c’est celui des sociétés « wétiko », dont le capitalisme est un des exemples historiques le plus effrayant. Voilà le retournement que nous propose d’effectuer Jack D. Forbes dans son livre Christophe Colomb et autres cannibales, paru dernièrement au Passager clandestin dans une traduction de Frédéric Moreau (que nous remercions au passage pour cette découverte). Écrit dans les années 70, à une époque de réveil des luttes amérindiennes par un universitaire qui revendique le métissage de ses ancêtres (écossais et amérindiens), ce texte est un manifeste, un texte de combat plutôt qu’une étude précise et pointue. Sa construction est parfois un peu bancale, répétitive, mais que cela ne nous empêche pas de le lire ! Le texte est court, et la thèse qu’il développe est percutante. Pour Forbes, la civilisation industrielle et matérialiste dans laquelle nous vivons n’a en fait rien de civilisé : elle glorifie des bouchers (les grands hommes de l’histoire) des comportements abjects (l’esprit d’entreprise, la compétition, l’autorité et l’usage immodéré de la force…), s’appuie sur la colonisation et l’exploitation des hommes, des femmes et de la nature.

Quels antidotes trouver à cette maladie capitaliste ? Forbes se penche logiquement sur les civilisations amérindiennes et propose d’emprunter « la voie du pollen » ou « la bonne route rouge », c’est à dire de vivre sa vie en ayant conscience des interactions entre toutes les formes de vie.

Je peux perdre mes mains et reste en vie. Je peux perdre mes jambes et rester en vie. Je peux perdre mes cheveux, mes sourcils, mon nez, mes bras et bien d’autres choses, et rester en vie. Mais si je perds l’air, je meurs. Si je perds le soleil, je meurs. Si je perds la terre, je meurs. Si je perds l’eau, je meurs. Si je perds les plantes et les animaux, je meurs. Toutes ces choses sont bien plus qu’une partie de moi, plus essentielles à chacune de mes respirations que ne l’est mon prétendu corps. Quel est mon véritable corps ? 

Ne nous étonnons pas que ce livre ait été une source d’inspiration pour les penseurs de l’écologie radicale jusqu’à aujourd’hui. Il a le mérite de nous montrer avec clarté que le monde dans lequel nous vivons est invivable, et qu’il devient urgent de lutter pour en inventer d’autres.

 

Elise

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