La panne de Friedrich Dürrenmatt


La panne est un tout petit livre, qui se lit très vite, d’une traite. Friedrich Dürrenmatt le commence ainsi : « des histoires possibles y en a-t-il encore, y en a t-il encore pour un écrivain? ». Cette question est en effet très importante, il est rassurant de voir tout à coup un écrivain se la poser, et nous la poser, très directement. Dans un monde sans Dieu, sans grands récits, la littérature est condamnée à n’être qu’une activité stérile qui mène sur les chemins dérisoires du récit de soi et du désir absurde de briller pour la postérité. Les hommes vivent des vies banales et sans lustre, menacées seulement par la panne : « accidents de circulation, barrages rompus par suite d’une imperfection technique, explosion atomique, fonctionnement défectueux du rhéostat des couveuses artificielles ». Que peut la littérature face à une telle misère, criante au point d’en devenir grotesque ? Dürrenmatt a bien conscience qu’elle ne peut pas grand chose, mais pourtant, il n’abandonne pas et avec La panne, il nous montre que les livres peuvent encore contenir beaucoup, passionner et éveiller la pensée. Et tout commence par une panne. Le héros du livre, un banal représentant de commerce, roule dans une belle voiture sur les routes banales d’une banale région d’Allemagne. La belle voiture tombe en panne. Vaguement alléché par l’idée de passer une nuit en dehors de chez lui, il se dirige vers un hôtel, malheureusement complet. Le voilà hébergé dans la maison d’un ancien juge, qui l’invite à dîner avec ses amis. La pièce peut commencer, mi-tragique, mi-comique, peuplée de personnages truculents et inquiétants, qui vont éclairer la vie banale, laide et misérable du représentant de commerce. Tout à coup touché par l’étincelle d’un destin de carnaval, le représentant de commerce vivra son moment de gloire. Et nous voilà emportés avec lui, mi-inquiets, mi-moqueurs, spectateurs d’une fable qui égratigne le monde contemporain et les vies que nous y menons.

Elise

La panne, 1956,  est disponible en Livre de poche.

Illustration de l’article de Franz Masereel

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *