Yassa au poulet-bicyclette

La recette du célébrissime poulet yassa est originaire du Sénégal, mais je l’ai découverte au Mali, puis retrouvée en Côte d’Ivoire, avant de la redéguster au restaurant de l’association Les deux fleuves, qui côtoie le foyer sénégalais de la rue Stanislas Girardin, à Rouen.

Pour la réaliser, il vous faudrait – idéalement – un poulet-bicyclette, des citrons, de la purée de piment enragé, des oignons, de l’huile d’arachide, du bouillon Kub, du riz et un peu de temps.

 

Le dogmatisme étant une des maladies infantiles de l’art culinaire, je ne vous indique pas les proportions. D’ailleurs, on ne m’en a jamais donné. Mais il est peut-être indispensable de digresser légèrement à propos de certains ingrédients.

Dans un article du Monde diplomatique paru en août 2002, Christian de Brie décrit ainsi, avec une belle envolée finale, le poulet-bicyclette :

Gringalet, maigrichon, poussiéreux, élevé dans la rue, traînant dans les cours, nourri à la force du jarret, pédalant sous la chaleur pour grappiller de quoi subsister en dansant d’une patte sur l’autre, avant de finir, ferme et goûteux, tête en bas et plumes au dos, attaché par les pattes, en plein air, à la devanture d’une échoppe. Si vous ne voulez pas finir en poulet cadavre, allez en Afrique à la rencontre du poulet bicyclette, retrouver les racines oubliées au berceau de l’humanité.

L’image du cycliste en danseuse n’est pas mal vue… Cependant, certains linguistes prétendent que l’expression viendrait plutôt du fait qu’avant d’être placés à la devanture d’une échoppe, ces poulets sont acheminés sur les marchés suspendus de diverses manières au cadre ou au guidon ou au porte bagages d’une bicyclette – ou d’une motocyclette.

Il vous sera difficile de trouver un poulet-bicyclette. Je ne suis pas sûr que l’on puisse en trouver sur le marché de la rue Dejean, à Paris, où l’on trouve pourtant beaucoup de denrées d’Afrique.

La recherche du piment enragé vous causera moins de tracas : j’entends par là le petit piment rouge ressemblant à un poivron miniature. Cela se rencontre. Vous pourrez le couper en lanières, l’écrabouiller sauvagement et conserver la purée obtenue dans une petite quantité d’alcool blanc, gin ou vodka – le rhum aurait trop de parfum. Après cette opération anodine, vous éviterez, bien sûr, de vous frotter les yeux…

La recette :

Donc, si ce n’est déjà fait, vous tuez, plumez, videz un poulet-bicyclette, ou un petit poulet dit « fermier » qui n’a pas trop de graisse. Vous le découpez en morceaux et vous le laissez mariner pendant une demi-journée ou une nuit dans un abondant jus de citron. Vous pouvez mettre du jus de citron vert, ce n’est pas mauvais non plus. Certains enduisent les morceaux de moutarde, je préfère les tartiner discrètement avec la purée du piment enragé – mais point trop n’en faut.

Plus tard, voire le lendemain matin, vous attaquerez la cuisson en passant les morceaux égouttés au grill, sur charbon de bois, bien entendu, et cela peut fumer un peu, vous n’en mourrez pas et le goût n’en sera que meilleur. Inutile de les cuire complètement… Réservez.

Épluchez une bonne quantité d’oignons, que vous découperez en rouelles. Faites les fondre et blondir dans une cocotte, en touillant dans de l’huile d’arachide.

Ajoutez les morceaux de poulet, la marinade, et du bouillon pour recouvrir. On peut tricher un peu en ajoutant une noix de pâte d’arachide, ce n’est pas mauvais

Bien sûr, vous aurez salé quand il fallait le faire…

Vous faites mitonner jusqu’à ce que la viande soit bien fondante. La nature athlétique de la musculature d’un authentique poulet-bicyclette demande un assez long temps de cuisson.

Vous servirez avec du riz pour respecter la tradition, ou avec les céréales qui vous conviennent si vous êtes d’un tempérament hérétique.

Guy M.

 

Un commentaire Ajoutez le votre

  1. Michèle Beauxis dit :

    Poulet-bicyclette : un documentaire tv montrait l’itinéraire des poules de réforme, c’est à dire sorties du circuit car plus assez rentables pour la batterie où elles avaient jusqu’alors pondu abondamment, pauvrettes, de Normandie, où leur vente au consommateur est interdite, vu l’état des bêtes ! jusqu’en Afrique, où elles arrivent congelées chez l’importateur. Des dames en vélo ou mobylette viennent en acheter de petits lots et les revendent dans leur quartier ou sur les petits marchés, décongelées à l’air ambiant dans l’aventure et bien sûr à un prix imbattable par rapport à un poulet élevé sur place par un petit éleveur. D’ailleurs les petits éleveurs africains disparaissent.
    Ça doit être cela la lutte contre le gaspillage et la malbouffe….

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