J’ai vécu plusieurs années dans une ferme et nous y mangions les légumes de façon soumise, monomaniaque et inventive.
Je m’explique.
Si nous avions de nombreuses occasions de nous régaler des merveilleuses récoltes que nous faisions, et la chance de pouvoir, en pleine saison, remplir des bocaux de coulis et ratatouille, nous subissions la plupart du temps les aléas climatiques et les productions irrégulières. Tous ces légumes en surplus que nous ne pouvions vendre et n’avions le cœur de jeter … nous devions les manger. C’est ainsi que, tous, dans cette ferme, nous prîmes les courgettes en horreur – car le plant de courgette, un moment ou l’autre, surpasse nécessairement nos besoins et nos espérances.
C’est donc une énergie folle que nous devions déployer pour accommoder, le trente-et-unième repas de suite, le même légume en abondance du moment. Parmi ceux-là, les blettes (ou bettes, ou poirées) qui, eux, ont gagné à cette époque mon amour inconditionnel. Il nous arrivait souvent d’en faire une sauce pour manger avec les pâtes, le dimanche soir par exemple.
Il faut partir sur la base d’une belle côte de blette par personne + 1 pour la casserole (si l’on est cinq à table, 5 belles côtes de blettes + une, soit six au total).
On ne garde que le vert (le blanc, la côte, étant réservé à un autre usage : tarte, gratin, marmite de légumes), que l’on blanchit : 5 à 10 minutes dans l’eau bouillante. Il faut bien égoutter le vert, quitte à le presser contre la passoire pour en extraire toute l’eau.
Puis, le mixer en y ajoutant une gousse d’ail par deux personnes, sel et poivre du moulin, une cuillère à soupe d’huile d’olive par personne, une bonne portion de fourme d’Ambert.
On obtient une sorte de pesto crémeux et très parfumé.
C’est délicieux.
Juliette – (illustration d’Elise)