La main
La main est un labyrinthe à cinq branches.
Elle se perd, elle est vivante dans les cinq.
Chaque doigt cherche pour lui seul à atteindre je ne sais quoi.
Elle se perd dans ce labyrinthe qu’elle est elle-même pour elle
Et, si les cinq doigts rencontrent l’autre main,
Perdue aussi dans le labyrinthe d’être cinq,
Si les cinq doigts s’atteignent et que paraît le dix,
Rien ne sortira plus de ces deux mains nouées :
Le nœud est un labyrinthe condamné.
C’est pourquoi, tenez votre main en laisse.
Elle peut rester cet agréable animal domestique
Qu’on voit courir sur le clavier des pianos :
Elle n’a pas d’oreille et pourtant par plaisir, semble-t-il,
C’est elle qui va : « va chercher, mon chien ! »et vous rapporte la musique.
Roland Dubillard, La boîte à outils, 1985.
Illustration : Auguste Rodin, Main dite du pianiste, vers 1880.