VOUS DONT LES RICANEMENTS
d’obscurs couloirs d’air
me donnent
la chair de poule
Vous dont le visage
bouffi rappelle
ce masque qu’empruntait souvent à plaisir
par-delà les mornes agrestes
la lune
la lune de mon enfance sordide
Vous dont je sens
vous dont je sais le cœur
aussi vide de tendresse
que les puits de chez nous d’eau
au dernier carême
Vous dont la présence
proche ou lointaine
énerve ma vie
comme la vieille folle du coin
mon premier sommeil
Vous dont le crime est d’en vouloir
à l’image
qu’il m’a plu
d’avoir un matin
d’ELLE
Vous dont les ricanements
vous dont le visage
vous dont le cœur
la présence
le crime
Et puis vous tous
enfin vous autres
saisirez-vous jamais un rien même
à ce poème
mon drame
Léon Gontran Damas, Graffiti, 1952
Illustration de l’article : Jacques Villeglé, Les Ternes, 1957